Perspectives du logement social


Le secteur du logement social s’est montré solide pendant la crise sanitaire, il est aujourd’hui incité à fournir des efforts supplémentaires afin de répondre aux grands enjeux environnementaux. Outre la construction neuve des logements, dans un contexte de rareté du foncier et dans le cadre de la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC), le secteur devrait être en mesure de lancer d’importants programmes d’investissements en termes de rénovation et de contribuer aux objectifs de réduction des émissions de GES dans le bâtiment à long terme, même si sa situation financière s’en trouverait significativement fragilisée à cet horizon.


Ce neuvième numéro de Perspectives présente le patrimoine des bailleurs sociaux en 2020, analyse leurs comptes consolidés entre 2015 et 2020 et propose une projection à 40 ans de la situation financière du secteur du logement social, marqué par d’importantes transformations depuis 2017 (loi Elan et mesures de la loi de finances 2018) et par la crise sanitaire et économique de 2020. La partie prévisionnelle se base sur le fonctionnement actuel du secteur dans son ensemble, aussi bien dans la façon de produire des logements (maîtrise d’ouvrage directe des organismes et VEFA), que pour son modèle de financement fondé principalement sur la ressource du fonds d’épargne, sans explorer de scénarii de rupture plus ou moins radicaux. Cette prospective repose sur un scénario économique, sectoriel et financier défini par le service des études de la direction des prêts de la Banque des Territoires, à partir du cadrage économique du Groupe Caisse des Dépôts. L’analyse du secteur dans sa globalité ne reflète bien entendu pas l’hétérogénéité des situations financières des différents bailleurs, qui a tendance à s’accroître avec les réformes en cours. 

Fin 2020, le parc social comprend 5,5 millions de logements, gérés essentiellement par des OPH et des ESH. La construction de logements sociaux, dont la Banque des Territoires est le financeur de référence via des prêts à long terme, représente un peu moins d’un quart
des mises en chantier de logements privés et sociaux. Cette part non négligeable à l’échelle nationale rend le secteur du logement social porteur d’investissements et de créations d’emplois en France. Avec un montant total d’investissements estimé à 18,4 Md€ en 2019, il représente 7,5 % des investissements totaux du secteur de la construction. En termes d’emplois, cela représenterait quelque 294 000 emplois induits ETP dans la filière du bâtiment pour l’année 2019, répartis entre 171 000 emplois directs dans les entreprises du bâtiment et 123 000 emplois indirects induits dans la filière.

Sur le plan financier, les mesures de la loi de finances 2018 (RLS, gel de loyers et augmentation de TVA) avaient entraîné une baisse des revenus des bailleurs sociaux. Depuis 2019, l’autofinancement global des bailleurs sociaux reprend une trajectoire haussière, en particulier
grâce à la baisse des annuités financières sous l’impact positif du soutien apporté par la Banque des Territoires au secteur et du fait d’un volume de cessions toujours important. En 2020, l’autofinancement global des bailleurs considérés dans leur ensemble atteint ainsi 18,4 %, soit le niveau le plus élevé de ces six dernières années. Les charges d’exploitation se sont légèrement repliées en 2020, dans un contexte d’environnement atypique lié à la suspension des chantiers et de la mise à l’arrêt d’une partie de l’économie en pleine crise sanitaire. La situation financière des bailleurs demeure donc nettement favorable en 2020 : le potentiel financier rebondit, et la part des fonds propres au bilan continue de progresser, permettant ainsi d’aborder les investissements massifs attendus à court et moyen terme.

La partie prévisionnelle de cette étude projette les comptes des bailleurs sociaux à long terme et analyse leur soutenabilité financière sur 40 ans en lien avec les maturités de leur financement. Suivant le scénario économique retenu, dont les hypothèses sont arrêtées sur la base des informations disponibles à mi-mars 2022, les bailleurs sociaux seraient en mesure de faire face à court et moyen terme aux obligations de rénovations thermiques massives du parc social telles que définies dans la loi Climat et résilience d’août 2021, avec un rythme qui augmenterait progressivement jusqu’à atteindre 125 000 réhabilitations en 2026 et 2027. Leur situation financière initiale saine et leurs revenus issus des loyers peu affectés par la crise leur permettent de faire face à la remontée actuelle des taux d’intérêt. L’effort de réhabilitation serait facilité grâce aux subventions octroyées dans le cadre du Plan de relance. Néanmoins, à court terme,
la construction de logements sociaux n’atteindrait pas les volumes définis dans le protocole d’engagement signé entre l’État et les acteurs du secteur ni le seuil de 100 000 logements par an. À plus long terme, selon un scénario économique de retour à l’équilibre à partir de 2028, le secteur disposerait de la capacité financière suffisante pour accroître son effort de construction et maintiendrait un niveau élevé de réhabilitations (100 000 logements par an). Toutefois, à la fin de notre période de projection (2060) et à politiques publiques constantes, la situation financière des bailleurs sociaux se fragiliserait significativement, l’autofinancement global du secteur baisserait de moitié et le potentiel financier de plus de la moitié.L’analyse du secteur dans sa globalité à travers la conception d’un « macro-organisme » ne
reflète pas l’hétérogénéité des situations financières des différents bailleurs et la projection à long terme reste très sensible aux hypothèses retenues.

Achevé de rédiger en juillet 2022
Cette publication a été réalisée à titre indépendant par le service des études de la direction des prêts de la Banque des Territoires. La Caisse des Dépôts n’est en aucun cas responsable de la teneur des informations et opinions figurant dans ce document.
Auteurs :
Cathy Dolignon et Yannick Kirchhof.