Logement locatif inter. par les invest. institutionnels



Par lettre de mission datée du 26 janvier 2021, l’Inspection générale des finances (IGF) et le
Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) ont été saisis afin
d’apprécier les déterminants d’une montée en charge des investisseurs institutionnels dans le
champ du logement locatif intermédiaire (LLI).
Pour répondre à la demande formulée par le ministre de l’économie, des finances et de la
relance et la ministre de la transition écologique, la mission s’est fait fort d’évaluer le besoin en
logement intermédiaire. Il résulte des analyses de l’IGF et du CGEDD que celui-ci s’établit entre
180 000 et 420 000 unités nouvelles sur une décennie soit un investissement en fonds propres
de l’ordre de 20 à 45 Md€ sur la période. S’il est difficile d’apprécier objectivement tant la
capacité que l’inclination des investisseurs institutionnels à renforcer leur présence sur
le segment du LLI, les acteurs rencontrés tendent à considérer que le marché pourrait
financer 50 000 logements intermédiaires par an sous réserve de capacités de
production adéquates. Les 2,0 à 4,5 Md€ qu’il conviendrait de consacrer en fonds propres
chaque année ne semblent pas constituer un obstacle majeur.
Au-delà des sommes à mobiliser, la montée en puissance des investisseurs
institutionnels suppose néanmoins une réallocation conséquente au sein de leurs
portefeuilles d’actifs dans un contexte marqué par leur retrait du résidentiel depuis les
années 1980. Au 31 décembre 2019, l’immobilier ne représentait ainsi que 6,3 % en valeur
des actifs détenus par ces personnes morales, là où la part des valeurs mobilières s’établissait
à près de 85 %. À la même date, le poids du résidentiel atteignait à peine 1 %, soit
environ 22 Md€, du total de leurs actifs.
Il résulte cependant des travaux conduits par la mission qu’un tel changement de
stratégie de la part des investisseurs institutionnels n’est pas conditionné à une
intervention massive de l’État. Au contraire, les acteurs rencontrés ont fait part de leur
volonté d’inscrire leur action dans un environnement juridique, économique et fiscal à la fois
stable et prévisible. S’il n’est pas attendu de changements majeurs à l’initiative de la
puissance publique, il lui appartient en revanche de faciliter la fluidité du marché et la
diversité de l’offre.
Pour ce faire, la levée des réticences des communes apparaît comme la première
priorité. La substitution de l’exonération de taxe foncière sur les propriétés
bâties (TFPB) dont bénéficie aujourd’hui le logement intermédiaire institutionnel par
un crédit d’impôt semble devoir être privilégiée. Si une telle hypothèse était retenue, il
conviendrait que son coût n’excède pas celui de l’exonération de TFPB estimé entre 300
et 350 M€ en rythme de croisière, c’est-à-dire en tenant compte de la construction nette
de 420 000 logements à l’horizon d’une décennie.
La visibilité du logement intermédiaire en tant que segment de marché distinct du
logement social doit également être renforcée. La mission suggère ainsi de mettre fin au
critère consistant à imposer au moins 25 % de logements sociaux au sein des programmes de
logement intermédiaire pour bénéficier du taux réduit de TVA fixé à 10 %. Cette dérogation
s’appliquerait dans les communes respectant les quotas fixés par la loi n°2000-1208
du 13 décembre 2000 dite loi SRU, étant rappelé que cette exemption a déjà été accordée aux
opérations LLI réalisées dans les communes disposant de plus de 35 % de logements sociaux.



Les besoins en logement intermédiaire ne sauraient se limiter à la production de
logements neufs. Si la vacance de longue durée est certes concentrée dans des zones où le
niveau des loyers ne justifie pas la production de logements intermédiaires, il demeure dans
ces zones des logements durablement vacants. Pour couvrir ce segment de marché, la mission
propose de reprendre la rédaction de l’article 1384-0 A du code général des impôts (CGI)
pour élargir les avantages fiscaux dont bénéficient les investisseurs institutionnels dans
le cas de la construction de logements intermédiaires neufs à la rénovation de
logements. Une telle mesure s’intégrera de plus pleinement à la réalisation des objectifs
nationaux en la matière, le plan de rénovation énergétique des bâtiments prévoyant d’atteindre
la neutralité carbone d'ici à 2050.
S’agissant des collectivités territoriales, la mission recommande de rendre obligatoire
l’évaluation des besoins en logement intermédiaire dans les programmes locaux de
l’habitat (PLH) tout en procédant à l’évaluation ex post des niveaux de loyers et des impacts du
neuf sur la vacance. Il est en outre suggéré de rendre obligatoire la prise en compte des objectifs
en matière de logement intermédiaire au sein des plans locaux d’urbanisme (PLU). Enfin, la
mission suggère de faciliter le développement de filiales par les bailleurs sociaux déjà
présents sur le marché du logement intermédiaire en facilitant l’ouverture de leur
capital et en permettant aux organismes de gérer en direct les logements acquis ou
construits par leurs filiales.
Outre les acteurs institutionnels, la mission s’est intéressée au rôle que pourraient jouer
les épargnants particuliers sur ce marché en mutation. Par-delà les apparences, il importe
de ne pas opposer systématiquement ces deux catégories d’investisseurs. S’ils poursuivent des
objectifs qui peuvent diverger, les placements des premiers trouvent leur origine, au moins en
partie, dans les disponibilités des seconds. À cet égard, les levées de fonds réalisées
conjointement par la Caisse des dépôts et des acteurs privés s’appuient entre autres sur
l’épargne des particuliers comme en témoigne la présence d’assureurs. Dans la perspective
d’une réduction progressive des dispositifs fiscaux en faveur de l’investissement des
particuliers, la mission estime que le développement de nouveaux fonds dédiés au
logement intermédiaire en construction neuve ou en rénovation de l’ancien, sous la
forme d’organismes de placement collectif en immobilier (OPCI), pourrait permettre de
continuer de diriger l’épargne des ménages vers le logement intermédiaire sans déstabiliser
les acteurs de la construction et sans dispositif d’incitation fiscale supplémentaire.
Enfin, la mission recommande de mettre en place les moyens nécessaires à l’évaluation du
dispositif en facilitant le transfert de données entre administrations, la mesure des
loyers de marché, et le suivi de l’incidence des LLI sur le parc et son occupation.